Socothyd. La justice donne raison aux représentants des travailleurs faussement accusés de « détournement de deniers publics » puis arbitrairement licenciés.

mardi 11 mai 2010
par  Alger républicain

La cour de Boumerdès vient de prononcer l’acquittement des six membres du Comité de participation de l’entreprise spécialisée dans la production de coton hygiénique Socothyd, aux Issers 50 km à l’est d’Alger. Il s’agit de Benchiha Boualem, Ouagnouni Ali, Mekkiri Ahmed, Cherifi Rezzouki, Mezhoudi Farid et Boukhatia Dahmane. Mekkiri Ahmed était aussi le responsable de la section syndicale UGTA suspendue par l’Union locale.

Les représentants des travailleurs avaient fait l’objet d’une véritable cabale organisée par la direction de l’entreprise. Ils avaient été poursuivis en justice pour de fausses affaires de détournement et de dilapidation des fonds des œuvres sociales, puis licenciés au motif de ces mêmes accusations sans fondement. En réalité la direction de l’entreprise, poussée par des pontes du pouvoir, avait décidé de casser la résistance des travailleurs au projet de privatisation de l’entreprise décidé par Temmar et consorts. Cette résistance avait été animée par Mekkiri et les représentants des travailleurs. Plusieurs grèves avaient été déclenchées entre 2006 et 2007 pour exprimer leur refus du bradage de leur usine qui jouissait d’une bonne santé financière et dont rien ne pouvait justifier la cession si ce n’était la volonté de faire passer un secteur aussi juteux sous le contrôle et le monopole de groupes de profiteurs sans foi ni loi liés au régime.

Après avoir mis à la porte les représentants des travailleurs la direction fit rapidement procéder, avec la complicité de l’UGTA et dans un climat de terreur et d’intimidations, au renouvellement de la section syndicale et du comité de participation en violation de la réglementation.

La direction s’est livrée à une véritable « chasse aux sorcières » pour écraser toute résistance, persécutant toute personne opposée au bradage. Par son intermédiaire le pouvoir a voulu infliger une punition exemplaire à tous ceux qui ont contrarié les projets mafieux des groupes de pression.

Des travailleurs licenciés en même temps que les 6 autres avaient déjà été innocentés par le tribunal de Bordj-Ménaïel mais la direction de Socothyd refuse obstinément de les réintégrer dans leur travail au mépris de la loi. Des travailleurs qui avaient organisé une collecte en faveur de leurs camarades licenciés pour les aider à subvenir à leurs besoins firent à leur tour l’objet de plainte pour « collecte illégale », un grief exploitant de façon abusive les lois antiterroristes et de nature à les envoyer pourrir durant de longs mois en prison !

En définitive les sacrifices des représentants des travailleurs n’ont pas été vains. L’usine n’a pas été privatisée. Le régime a depuis deux ans fait provisoirement marche arrière dans l’application de ses plans de bradage des entreprises publiques. Il s’est trouvé confronté à une grave hémorragie des devises dans le contexte de sérieuses conséquences de la crise du capitalisme sur les équilibres financiers extérieurs de l’Algérie. Jouissant de multiples exonérations fiscales et sociales, ainsi que de subventions déguisées sous la rubrique de l’encouragement par l’État de l’emploi des jeunes, les entreprises privatisées dégagent de gros bénéfices. Les nouveaux patrons étrangers n’investissent pas. Ils n’ont qu’une seule préoccupation : rapatrier le maximum de profits. C’est l’une des principales sources de la fuite « légale » des capitaux. Les « repreneurs » algériens non plus ne se soucient pas d’investir. L’argent facilement gagné prend le chemin du change parallèle pour l’achat d’immobiliers à l’étranger.

Mekkiri et tous les travailleurs arbitrairement licenciés ont donc mené une bataille authentiquement patriotique. Ils doivent être réintégrés et indemnisés pour les préjudices subis ! Une nouvelle bataille s’annonce et qui doit être soutenue par tous ceux qui refusent d’abdiquer devant l’injustice.

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Khaled Safi

Alger républicain

10 mai 2010