Trois milliards de dinars de subventions destinées à la production de la tomate à Annaba sont partis dans les poches des importateurs de concentré *

mercredi 20 mars 2013

Comment gonfle-t-on les statistiques de la production agricole pour vanter les prétendus résultats des réformes et comment en même temps l’Etat enrichit-il la bourgeoisie parasitaire ?
L’article de Mohamed Rahmani, correspondant de La Tribune à Annaba, lève le voile sur des pratiques frauduleuses soutenues par des complices à divers niveaux.

"C’est un véritable pavé dans la mare que vient de lancer un conserveur de la wilaya d’Annaba pour dénoncer des pratiques pour le moins répréhensibles dont certains de ses pairs usent pour bénéficier de manière frauduleuse du soutien accordé par l’Etat à la production et à la livraison de la tomate fraîche pour transformation. Notre interlocuteur, qui a préféré rester dans l’anonymat, nous a révélé que ce trafic dure depuis 2008 :
« C’est une affaire de détournement de ce soutien qui avoisine les 3 milliards de dinars, qui sont allés directement dans les poches des collecteurs et des conserveurs.

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C’est grave on en est venu jusqu’à injecter le triple concentré de tomate importé dans cette formule de soutien censée développer la tomate industrielle dans la région et dans tout le pays. » Selon ce conserveur, les collecteurs utilisent les conventions des producteurs pour se prêter à ce trafic avec la complicité active de certains conserveurs pour se partager ensuite le soutien accordé par l’Etat.

Poursuivant, il nous apprendra qu’à titre d’exemple l’agriculteur producteur déclare qu’il a semé à une parcelle d’une superficie de 10 hectares, qui, en moyenne, produit 400 quintaux/ha, ce qui fait une production totale de 400 tonnes. En réalité à la livraison pour la transformation, il n’est livré que le 1/10 de cette quantité parce que le producteur n’a pas effectivement semé les 10 hectares qu’il a déclarés. Quand on sait que pour chaque kilogramme de tomate fraîche livré à la transformation, l’Etat accorde 5,50 dinars, dont 4 pour le producteur à et 1,50 pour le transformateur, on se fait une idée sur les sommes faramineuses déboursées sans pour autant qu’il n’y ait de résultats réels sur le terrain.

Sur les chiffres officiels fournis par la direction des services agricoles (DSA) de la wilaya d’Annaba, qui affichent une nette augmentation de la production par rapport aux années précédentes et cela va crescendo, notre interlocuteur nous dira que c’est tout à fait normal puisque la DSA se base sur les chiffres communiqués par les subdivisions dans les communes et les daïras et ceux transmis par les conserveurs pour bénéficier du soutien. Les subdivisions dépourvues de moyens pour vérifier sur le terrain les déclarations faites par les producteurs, par négligence ou parfois par complicité, transmettent les chiffres avancés et la DSA officialise. Ce qui fait que tout est dans les règles, ces chiffres sont gonflés mais cette production qui n’apparaît pas véritablement sur le marché, et certains vont jusqu’à s’offusquer du fait que l’on importe la tomate en conserve.

Pour le triple concentré de tomate importé en devises fortes, destiné à être transformé en double concentré ou en concentré, on l’injecte dans les conventions bidon et le tour est joué, ce sont des tonnes et des tonnes de ce produit importé et … soutenu.

Le dindon de la farce est bien sûr l’Etat qui continue à débourser pour une production virtuelle et fictive. Certaines indiscrétions font état d’un conserveur implanté dans une autre wilaya qui est arrivé à avoir un soutien pour 20 000 tonnes de tomates fraîches alors, qu’en réalité, il n’en a collecté que 1 000 tonnes, soit un gain net de 110 millions de dinars de soutien. Une poule aux œufs d’or que continuent à exploiter certains conserveurs véreux avec la complicité de plusieurs sous-fifres. «  Il faudrait un contrôle sérieux et strict de ces conserveries, des producteurs et des collecteurs, nous dit notre interlocuteur, et on peut facilement débusquer les fraudeurs. Il faut aller voir du côté des impôts pour voir si les déclarations faites au niveau de cette institution concordent avec celles faites auprès de la DSA. Il faut aussi aller voir du côté des Douanes, qui détiennent les chiffres exacts de l’importation du triple concentré de tomate et les comparer avec la production réelle. Ce sont de simples opérations qui peuvent faire éclater la vérité. On ne le fait pas et on continue à donner de faux chiffres pour dire que la filière tomate industrielle est en plein développement » .

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Mohamed Rahmani

in La Tribune

19.03.13

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* Le titre est de la rédaction d’Alger républicain. L’article a été publié dans l’édition du 19 mars de La tribune sous le titre originel : « Soutien à la production dans la filière tomate industrielle. Près de 3 milliards de dinars de subventions détournés. »


* Le titre est de la rédaction d’Alger républicain. L’article a été publié dans l’édition du 19 mars de La tribune sous le titre originel : « Soutien à la production dans la filière tomate industrielle. Près de 3 milliards de dinars de subventions détournés. »