Des associations d’Algérie solidaires des femmes de Hassi Messaoud

dimanche 25 avril 2010

La Constitution algérienne consacre la sécurité des citoyennes et des citoyens. L’Algérie a ratifié la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels ou dégradants, la Déclaration sur l’élimination des violences faites aux femmes.

Au nom de ces principes, nous sommes profondément choqués par la nouvelle tragédie vécue par des femmes, venues de différentes régions d’Algérie, travaillant et vivant dans des habitations précaires à Hassi-Messaoud, une des villes les plus sécurisées du pays.

Le martyre qu’elles viennent de subir est la répétition macabre des évènements de 2001. Un sinistre 13 juillet 2001, une horde de 300 hommes armés attaquent une centaine de femmes et leur font subir les pires atrocités – un véritable lynchage – dans le quartier d’el-Haicha à Hassi-Messaoud.

Nous tenons d’abord à exprimer à ces nouvelles victimes notre solidarité, notre indignation et notre émotion face aux actes barbares que des criminels déchaînés commettent sans répit en venant et revenant plusieurs nuits de suite, depuis quelques semaines, sur les lieux de leurs forfaits.

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Juillet 2001 ... mars 2010.

Même lieu.

Mêmes agressions.

Même type d’agresseurs lâches et cyniques provoquant des actes méticuleusement organisés, donc mûrement prémédités sinon commandités.

Même type de scénario d’horreur où les criminels regroupés et encagoulés terrorisent chacune des victimes parce que isolées et sans défense.

Même type de violences extrêmes où la rapine, les injures et la torture visent à humilier et à réduire à néant les femmes en tant que telles.

Même volonté par la valeur exemplaire de tels actes de terreur de dissuader toutes les femmes d’exercer librement leur droit au travail où que ce soit sur le territoire national et de les punir parce qu’elles vivent seules.

Au-delà du constat horrifié, de la condamnation des criminels et de la compassion pour les victimes, nous tenons aussi à souligner le caractère particulier de ces expéditions punitives qui rappellent étrangement non seulement les évènements de 2001 mais aussi toutes les autres agressions depuis vingt ans dans différentes régions d’Algérie (Ouargla, Remchi, Bordj, Tebessa…). Elles rappellent étrangement, hélas, les viols collectifs des femmes par les terroristes, ce crime contre l’humanité, tâche noire qui a mis en péril notre avenir et celui de toute la société. Il s’agit donc d’une violence systématisée, construite, structurelle, orchestrée, autant d’éléments de gravité supplémentaire.

En effet, cette répétition et continuité d’actes odieux à l’encontre des femmes qui semblent se perpétuer comme une ‘fatalité’ n’est possible que parce qu’en 2001 le traitement de l’affaire de Hassi-Messaoud s’est réduit à une parodie de justice reléguant cette tragédie au rang de vulgaire fait divers.

Cette répétition et continuité d’actes intolérables n’est possible que par la complicité et le silence non seulement des institutions et des autorités locales mais aussi le laxisme de la société. D’ailleurs, l’absence de réaction citoyenne et de médiatisation de cet évènement est frappante et inquiétante.

Cette répétition et continuité de crimes contre l’humanité n’est possible que par l’impunité dont bénéficient les agresseurs contre les femmes.

Cette répétition et continuité de violation des droits de la personne humaine n’est rendue possible que par l’absence de l’Etat et des institutions censés protéger les citoyennes et les citoyens.

Est-ce que cela signifie qu’aucune femme ne peut se sentir en sécurité dans son propre pays et qu’aucun citoyen n’est protégé par la loi ?

C’est pourquoi, encore une foi, nous dénonçons avec force ces crimes et interpellons les pouvoirs publics pour qu’ils réagissent en urgence en assurant la protection de ces femmes victimes encore sous le coup de la menace quotidienne, et leur prise en charge globale (médicale psychologique, sociale et juridique). Nous sommes déterminés à soutenir toutes ces femmes victimes d’agressions inacceptables.

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Signataires :

Réseau Wassila, ADPDF (Association pour la défense et protection des droits des femmes), AEF (Association pour l’émancipation des femmes), APF (Association du planning familial), ANADDE, ATUSTEP, Amusnaw, AVIFE (Association d’Aide aux Victimes de Violence Femmes et Enfants), CIDDEF (Centre d’Information et de Documentation /Droits des Femmes et des Enfants), Collectif des Femmes du Printemps Noir, Djazairouna, FEC (Femmes en Communication), Femmes PLD, LADDH Ligue Algériennne de Défense des Droits des Hommes), LADH (Ligue Algérienne des Droits des Hommes), RACHDA, SOS Femmes en Détresse, Tharwa Fatma N’Sumer, Fatiha Mamora et Rahmouna (deux femmes victimes des attaques de 2001 à Hassi Messaoud).