Hommage à feu Abderrahmane Bellazhar

vendredi 23 septembre 2011

Il y a 19 ans tombait sous le feu des terroristes islamistes le premier militant de la longue liste de communistes à abattre. Abderrahmane Bellazhar avait été tué devant sa maison. Militant du PAGS, responsable syndical à l’Université de Constantine, il empêchait de dormir, par son combat inlassable pour la justice et la démocratie, les despotes et les corrompus.

L’islamisme a servi à masquer sous le voile de la religion la haine de ceux qui ont mis le pays en faillite et se sont enrichis, leur désir de se débarrasser des communistes, des femmes et des hommes de progrès.
Anissa El Hourriya, la fille du martyr a fait paraître un hommage dans El Watan du 10 septembre 2009. Elle n’a pas eu le bonheur de grandir sous les carresses de son père comme tous les enfants. Elle avait à peine un mois quand la horde l’a assassiné. Elle a connu son père à travers les souvenirs qu’on gardés de lui ceux qui n’oublient pas les honnêtes hommes tués pour leurs idées et leur dévouement à leur peuple.

Fateh Agrane nous a fait parvenir le texte de cet hommage.

“Arrivée à la gare, sur le quai, je regarde tous ces voyageurs, des fois je veux en être un, des fois non, le plus souvent c’est parce que je pense à quelqu’un qui n’est plus de ce monde.

Vous l’avez peut-être deviné, peut-être pas, dans tous les cas je vais vous raconter en ces modestes lignes les dernières minutes de la glorieuse vie de mon cher papa. Moi ? C’est Anissa El Hourriya et cela faisait plus d’un mois que j’étais née, un mois et une semaine pour être plus précise. C’était le 9 septembre 1992, le jour du Maouled Ennabaoui, papa mit ses vêtements, prit ses clefs et sortit… se dirigeant vers sa petite 4L, un gars le surprit, il lui parla pendant quelques secondes, Dieu seul sait de quoi, puis lui tira deux balles, l’une au ventre, l’autre à l’épaule. Dans une famille avertie, je dirais plutôt menacée par les extrémistes radicaux, l’ambiguïté règne depuis un certain temps mais chez nous pas de place pour les trouillards… à cheval sur les principes, sur les convictions, veillant à ce que la démocratie règne, papa en paya le prix.

C’était « expectatif » mais plutôt précipité. J’aurais bien aimé connaître cet homme courageux qui a toujours dénoncé l’arbitraire et l’extrémisme, ce militant coriace prêt à tout pour son Algérie. Mais voir que ta famille est restée à l’autre gare c’est un peu « con », désolé pour le terme papa, car pour la première fois qu’on se parle, tu dois penser que je suis maladroite … Je crois qu’il est temps de me faire à l’idée que tu ne seras jamais parmi nous, tu es déjà loin. Très loin, papa, mais il y a une chose que ces criminels ignorent : c’est que contrairement aux égoïstes, les altruistes ne meurent jamais, ils demeurent dans nos rêves.

Le plus beau de notre histoire, ce sont tous ces mots qu’on ne s’est jamais dits et c’est bien à toi que je les dédie, et peu m’importe si les gens ne voient en toi que la première victime civile des folies meurtrières car moi je vois en toi un militant, un révolutionnaire, une force de conviction inouïe, un humanisme rayonnant, une victime mais surtout ma fierté.”

Ta fille Anissa El Hourriya