Le front social en ébullition à travers le pays. La protestation se poursuit dans la zone industrielle de Rouiba

mardi 12 janvier 2010

Le pouvoir a mobilisé un nombre impressionnant de policiers et de gendarmes afin de les empêcher de se rassembler. Les gendarmes ont reconduit la stratégie de la fin de la semaine dernière qui consiste à isoler les différents secteurs de la zone les uns des autres pour empêcher les travailleurs de converger vers un seul endroit. Les travailleurs de la SNVI étaient bloqués à hauteur du carrefour près de Mobsco, mais un autre barrage a été dressé du côté de Réghaïa pour dissuader les travailleurs d’Anabib de rejoindre la foule. Comme on a dressé un autre barrage sur la route donnant sur la RN5 pour empêcher les travailleurs de la partie sud de la zone de se rendre sur la route reliant Rouiba à Réghaïa où étaient rassemblés les travailleurs de la SNVI, face à un insurmontable barrage de la Gendarmerie nationale. Matraque et bouclier à la main, les gendarmes ont carrément barré la route aux manifestants, filtrant même le passage des autres citoyens qu’ils déviaient sur d’autres voies.

Avant de sortir dans la rue, les travailleurs de la SNVI ont organisé une assemblée générale pour décider des suites à donner à leur mouvement. « Nous avons décidé, à l’unanimité, de poursuivre la protestation. Après six jours de manifestation, il est évident que nous ne pouvons pas reculer », nous a affirmé un membre du syndicat d’entreprise de la SNVI. Interrogé sur la réaction des travailleurs et des membres du syndicat d’entreprise au communiqué diffusé par l’UGTA et qui rapporte que des efforts importants ont été consentis par l’Etat, et que la SNVI « fait l’objet de programmes de modernisation décidés par Son Excellence, Monsieur le président de la République », ce syndicaliste déclare : « Après 4 jours de grève, on s’attendait à une réaction positive de la part de la centrale syndicale, malheureusement l’UGTA a diffusé un communiqué négatif qui s’inscrit en porte-à -faux avec toute cette masse. C’est un écrit destiné à discréditer tous les travailleurs de la zone industrielle.
On nous parle des efforts faits par le gouvernement en direction de la SNVI comme si l’entreprise était un bien des travailleurs ? C’est un bien de l’Etat et c’est tout à son honneur si le gouvernement se soucie de la SNVI. Nous aurions accepté le communiqué s’il émanait du gouvernement, pas de l’UGTA. Pour nous c’est un texte qui n’a aucune valeur. » Hier, comme pendant les deux derniers jours de la semaine dernière, les manifestants étaient confrontés à un impressionnant dispositif de sécurité. « Voilà où l’Etat algérien dépense l’argent du public : la répression. Des milliers d’hommes et des moyens matériels énormes ont été mobilisés depuis le début de la semaine dernière pour mater un mouvement ouvrier. C’est une honte ! », réagit un quinquagénaire.

Pour autant, la ferveur et la détermination de la foule n’ont pas diminué d’un degré. Au contraire, les travailleurs disent qu’ils sont « prêts à passer une année dans la rue ». « Nous n’avons rien à perdre. Cette action est nécessaire pour sauvegarder notre dignité », nous dit un groupe de travailleurs de la Tameg rassemblé devant l’entrée de leur usine. Plus loin, ce sont ceux de Mobsco et d’Hydroaménagement qui crient leur colère. Ils se rassemblent sur la route devant un barrage des forces antiémeute de la gendarmerie.

Ils arborent une banderole sur laquelle ils portent leur revendication principale : « Abrogation de l’article 87 bis ». A rappeler que ce texte de loi assimile le SNMG au salaire net, primes y comprises. Ce qui empêche une augmentation réelle des salaires avec l’indexation des primes sur le salaire de base. « Il y a encore des travailleurs dans d’autres secteurs qui ont un salaire de base de moins de 8000 DA. Ils touchent 15 000 avec toutes les primes afférentes à leur poste. A la SNVI, aucun travailleur ne bénéficiera de l’augmentation du SNMG, décidée par la tripartite parce que tout le monde dépasse déjà les 15 000 DA net », nous déclarent les travailleurs. « Voilà 6 jours que nous manifestons et aucun responsable n’a daigné venir nous entendre. Nous ne voulons plus de Sidi Saïd comme secrétaire général de l’UGTA. En effet, un fossé énorme s’est creusé entre la direction de ce syndicat et les adhérents ; il est clair que l’UGTA ne peut plus prétendre nous représenter », annonce un travailleur.

Sur des banderoles accrochées aux murs de la SNVI, à l’entrée principale de l’usine, on pouvait lire : « Pour une augmentation des salaires » ; « Un pouvoir d’achat décent » ; « Abrogation de l’article 87 bis » ; « Ne touchez pas à ma retraite ». A l’unité Tubes Profilés d’Anabib de Réghaïa, des travailleurs nous ont déclaré qu’ils sont en grève depuis la semaine dernière et qu’ils sont, eux aussi, déterminés à aller jusqu’au bout. « Les quatre unités d’Anabib sont en grève. Nous sommes quelque 1000 travailleurs au total », nous indiquera l’un d’eux. A rappeler que la quasi-totalité des entreprises publiques de la zone étaient hier encore paralysées. Comme d’habitude, les travailleurs se sont dispersés dans le calme en milieu d’après-midi, se donnant rendez-vous pour aujourd’hui.

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Par Kamel Omar

in El Watan

11.01.2010