Décès d’ANNIE FIORIO STEINER, une héroïne de la guerre de libération

jeudi 22 avril 2021
par  Alger republicain

Elle est partie, la grande combattante, terrassée par un AVC. Elle avait 93 ans.

Son nom est lié de façon indélébile à la guerre de libération engagée par le peuple algérien sous la direction du FLN le 1er Novembre 1954 pour se libérer de l’oppression coloniale.
Cette femme d’origine européenne qui ne manquait de rien dans son milieu familial ne supportait pas le racisme et les injustices envers la population algérienne. Elle a pris conscience dès sa prime jeunesse que la spoliation des fellah, la misère, la faim, le chômage, les maladies, l’insalubrité et l’analphabétisme frappaient la quasi-totalité des « indigènes », alors que les écoles, l’Université, les hôpitaux, les routes et les barrages, dont se vantait l’occupant, n’avaient été édifiés que pour une minorité d’origine étrangère.

Dans le contexte de la montée inexorable du mouvement national de libération et international, de la diffusion des idées d’émancipation sociale mondiale favorisée par le mouvement ouvrier algérien (PCA et syndicat de classe), la conscience politique d’Annie s’aiguisait en allant à l’essentiel. Elle avait franchi les limites du simple humanisme cultivé chez les gens honnêtes, généreux et ouverts sur la condition indigne imposée à la majorité. Annie qui n’appartenait à aucune organisation politique avait compris qu’une telle iniquité, maintenue par une répression féroce permanente, n’était que l’expression de la nature même de l’ordre colonial établi au profit d’une infime minorité aux dépens de la quasi-totalité de la population réduite à l’état de simples sujets de l’empire colonial.

Elle a sans hésitation répondu à l’appel du FLN au combat contre cet ordre politique et social odieux et révolu.
Elle a accompli toutes les tâches que les patriotes lui avaient confiées jusqu’à son arrestation en 1956. Entre autres tâches, elle a révélé à Bernard Deschamps, président d’honneur de l’Association France-EL Djazaïr (1) qu’elle a servi d’agent de liaison pour l’échange de courrier entre la direction du FLN et celle du PCA lors des discussions qui ont conduit en juillet 1956 aux accords d’intégration des membres du PCA des Combattants de la Libération dans les rangs de l’ALN.

Les tribunaux colonialistes l’ont condamnée à 5 ans de prison qu’elle passa dans les prisons de Barberousse, d’El Harrach, et de France. Elle est libérée en 1961.

Comme tout (e) militant (e) tombé(e) dans les griffes des colonialistes, elle subit tortures physiques, morales et psychologiques. Elle ne fit pas sa reddition même lorsque son mari l’abandonna en prenant avec lui leur fille de deux ans qu’elle ne revit jamais plus. Elle avait fait face à cette forme suprême de torture en disant que la libération du peuple algérien valait tous les sacrifices.

A l’indépendance, elle se jeta avec enthousiasme et ardeur dans l’édification du pays, la construction de l’Etat algérien comme pour dire aux Européens qui avaient quitté leur pays natal, sous l’emprise, chez certains, de la peur des lendemains après les actes barbares de l’OAS, ou comme pour signifier, chez d’autres, que leur départ plongerait l’Algérie dans le chaos insurmontable de la politique de la terre brûlée. Annie contribua jusqu’à sa retraite à la formation de très nombreux cadres algériens.

Employée durant les premiers mois de l’indépendance dans un service juridique de la Présidence de la République, elle eut vent d’un projet de décret d’interdiction du PCA. Annie qui n’en avait jamais été membre mais qui avait senti que ce décret annonçait de mauvais jours pour la classe laborieuse du pays, alerta discrètement Henri Alleg pour que ses camarades prennent leur disposition.

Annie à été inhumée aujourd’hui au carré des martyrs du cimetière d’El Alia, en présence d’une foule nombreuse composée d’hommes et de femmes venus rendre un dernier hommage à l’héroïne qu’elle fut.

Repose en paix Annie ! Les jeunes Algériens portés par les idées de progrès, inspirés par l’exemple de ton combat pour la construction d’une société affranchie des inégalités sociales, libérée des préjugés diviseurs chauvins ou religieux, ont pris en main leur destin. Ils font leur expérience au milieu des confusions semées habilement par les adeptes, au pouvoir ou dans l’opposition, du « tout doit changer pour que l’ordre social fondamental ne change pas ». Ils naviguent au milieu des provocateurs à l’affût du prétexte aux ingérences des anciens colonisateurs déguisés en défenseurs ardents des « droits de l’Homme » et des « minorités ». Cette jeunesse pétrie d’espoirs en ses propres luttes, bat les chaussées de nos villes depuis deux ans.

Alger républicain

(1) Voir : http://www.bernard-deschamps.net/20...