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Lettre de la famille Maillot : Henri Maillot, le chahid oublié

vendredi 9 juin 2017

Nous, membres de la famille du chahid Henri Maillot, mort au champ d’honneur les armes à la main le 5 juin 1956, osons briser le silence que nous nous sommes imposé pendant 55 ans.

Et pour cause, notre frère et oncle est victime d’un ostracisme et d’un déni de reconnaissance énigmatique que d’aucuns n’arrivent à expliquer. Il demeure banni du panthéon réservé aux martyrs au même titre que son ami et voisin de quartier, le chahid Fernand Iveton, guillotiné à Serkadji le 11 février 1957. C’est pour cette raison que des centaines de citoyens se font un devoir de venir se recueillir sur leurs tombes chaque année les jours anniversaire de leur « mort ».

Au mois de juin 2015, l’APS a publié une dépêche dans laquelle le chahid Henri Maillot était qualifié « d’ami de la Révolution algérienne ». Un impair lourd de sens et qui illustre on ne peut mieux le sort réservé aux chouhada et moudjahidine d’origine européenne.

Il est regrettable de rappeler certains faits historiques et d’actualité pour prouver notre appartenance et notre attachement à notre patrie l’Algérie.

 La famille Maillot est installée en Algérie depuis six générations et ne l’a jamais quittée en dépit de tous les drames qui ont secoué notre pays.

 Le chahid Henri Maillot a offert ce qu’il avait de plus précieux pour défendre sa patrie : sa vie.

 Le père du chahid Henri Maillot était secrétaire du Syndicat des travailleurs de la ville d’Alger (mairie d’Alger). Il a été licencié pour avoir déclenché une grève pour réclamer les droits et plus de dignité pour les éboueurs musulmans.

 A l’indépendance, tous les membres de la famille Maillot ont opté pour la nationalité algérienne au détriment de la nationalité française.

Pour s’en convaincre davantage, il suffit de lire la lettre que le chahid Henri Maillot a envoyée à la presse parisienne pour justifier sa désertion avec un camion rempli d’armes et de munitions.

Dans cette lettre, il disait :

« Il y a quelques mois de cela, Jules Roy, écrivain et colonel de l’armée française, disait : “Si j’étais musulman je serais du côté des fellagas’’. Moi je ne suis pas musulman mais je considère l’Algérie comme ma patrie et je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Et ma place est au côté de ceux qui ont engagé le combat libérateur… Ce n’est pas une lutte de religion ni de race, comme voudraient le faire croire certains possédants de ce pays, mais une lutte d’opprimés contre leurs oppresseurs sans distinction de races ni d’origines… Notre victoire est certaine … En désertant avec un camion rempli d’armes, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon peuple et de ma patrie … »

Afin de préserver la mémoire de Henri et les idéaux pour lesquels il s’est sacrifié, nous n’avons jamais rien demandé d’autre qu’une reconnaissance. Nous aimerions voir son nom gravé sur le fronton d’un lycée, d’une université, d’une cité ou bien lui dédier un lieu de mémoire pour que son sacrifice pour une Algérie libre, indépendante, fraternelle, tolérante et juste ne soit pas vain. Car la grandeur et la noblesse de notre Révolution est d’avoir été portée et défendue par des femmes et des hommes de différentes origines raciales, religieuses et culturelles.

C’est cela que nous devons inculquer aux jeunes générations algériennes. Ce sera une juste reconnaissance qui le sortira de la nuit de l’oubli où il a été longtemps confiné, à l’instar d’autres martyrs algériens d’origine étrangère. Quant aux moudjahidate et moudjahidine d’origine étrangère vivant en Algérie, ils sont en train de nous quitter l’un après l’autre dans l’anonymat le plus complet. Il est grand temps de leur rendre un vibrant hommage et recueillir leurs témoignages.

Gloire à tous nos martyrs.

La famille Maillot