Texte introductif lu par Noureddine Abdelmoumène lors de la cérémonie d’hommage à Georges Acampora le 29 octobre 2011

dimanche 6 novembre 2011

Chères sœurs, chers frères, chers amis et chers camarades.

Nous avons le plaisir et la joie de nous retrouver ensemble, dans ce bel établissement, pour rendre hommage à un des nôtres, à un des fils de l’Algérie combattante, Georges Acampora.

A travers Georges Acampora, nous rendons hommage, à toutes les filles et fils de l’Algérie qui à travers les millénaires, les siècles et les années, à travers l’Histoire ont résisté, combattu, libéré et construit notre pays.

Je vous demande d’observer une minute de silence, à la mémoire de nos martyrs, de tous nos martyrs à travers l’Histoire…

Je vous remercie.

La cérémonie d’aujourd’hui se déroule à la veille de la célébration de l’anniversaire du 1er Novembre 1954, alors que nous venons de célébrer le 75e anniversaire de la création du Parti Communiste Algérien.

Jetons un regard sur notre programme de cet après-midi

• Nous donnerons d’abord la parole à M. Sid Ahmed Kessar, qui nous expliquera, en l’absence du Docteur Djamel Sakheri, comment et pourquoi les promoteurs de cette clinique ont voulu honorer Georges Acampora, en donnant son nom au centre de dépistage du cancer. En réalité, c’est un hommage des enfants de Bab El Oued à un enfant de Bab El Oued !

• Fatah Agrane donnera ensuite lecture du message de Sadek Hadjeres adressé aux participants à l’hommage à Georgeot

• La parole sera donnée à M. Mustapha Boudina, président de l’Association des anciens condamnés à mort , qui n’est pas encore dans la salle.

• Khaled Gallinari donnera ensuite lecture d’un passage d’un livre en cours de finition de Pierre Cots, autre militant , autre enfant de Bab El Oued et ancien détenu à Serkadji et à El Harrach. Il nous révèlera, un Georges Acampora, syndicaliste.

• Les amis de la Protection civile, famille professionnelle du lieutnant-colonel Acampora, auront ensuite la parole.

• Nous ferons une Halte musicale, avec Réda Doumaz que nos amis connaissent bien, puis avec H’ssan Agrane, du Groupe musical « caméleon », qui sont venu bénévolement participer à cet hommage

• L’après-midi se terminera avec l’ouverture d’un débat et les interventions des anciens détenus, condamnés à mort et moudjahidine, de toutes celles et ceux qui veulent prendre la parole. Dans l’invitation qui nous a été adressée à tous, on nous priait non seulement d’assister à l’hommage, mais de participer à cet hommage. Alors faisons-le !

Qui est Georges Acompora ?

Abdelmoumène Noureddine donne quelques jalons de la vie de Georges Antoine Acampora.

Avant de donner la parole aux différents intervenants, essayons de rassembler quelques éléments biographiques. Il nous a été particulièrement difficile de rassembler des éléments du chemin et du combat du fils de Bab El Oued. Il ne fallait pas trop compter sur notre ami, qui comme vous le savez est d’une discrétion et d’une modestie proverbiales. Heureusement qu’il y eut l’aide de Juliette. Nous noterons qu’il y a eu très peu d’écrits, de textes, de coupures de journaux, de photos, de témoignages. La dureté de la guerre de liberation, la répression ont tout emporté. Mais enfin essayons !
Georgeot est né à la mi-février 1926 , rue d’Orléans au vieux quartier de la Marine, à Bab El Oued. C’est là qu’il ira à l’école primaire. Sa maison natale, comme son école primaire seront rasées dans ce quartier vétuste. Toute la famille ira habiter à quelques centaines de mètres de là, mais toujours à Bab El Oued.
Les parents sont d’origine italienne. Georgeot sera le dernier des six frères et sœurs.

Le père Augustin Acampora vient d’Italie, il est marin pêcheur chez un patron à la Pérouse , aujourd’hui Tamenfoust.
Antoine, c’est le second prénom de Georgeot, quitte l’école à 14 ans , malgré qu’il était bon élève, sa mère ne voulait pas, mais il fallait bien tous travailler pour survivre.
Il travaille comme ouvrier pêcheur et se souvient comment il transportait à la force des bras et sur ses épaules les cageots de poissons à partir d’Hussein Dey pour les vendre au marché de Belcourt.
Sa mère Clémentine Castagna, travaillait chez elle, à domicile, comme cordonnière.

Georges Antoine commencera ensuite à travailler chez Spinoza, comme apprenti tourneur, puis chez Fotiadis près de l’Agha, toujours en tant que tourneur. Il passera ensuite à l’usine Job de tabac à Bab El Oued, dans l’entretien du matériel. C’est chez Job, que cet ouvrier deviendra syndicaliste à la CGT et c’est là qu’il dirigera une grève de 40 jours de l’ensemble des quatre usines de tabacs de Bab El Oued.
En 1950 , en début d’année, Acampora adhère au Parti Communiste Algérien (PCA).

Comment y est-il venu ?

Il nous l’a confié en juillet autour d’un café : « hé bien comme j’étais sur le quartier, je connaissais des camarades qui y activaient pour le PCA ; j’ai commencé à participer à des actions sociales avec les camarades , sans être membre du parti. Ensuite on assiste aux premières grèves, et là, tu commences à voir, à comprendre, à rentrer dans l’action. Je n’avais ni mon père, ni ma mère, ni mon frère dans ses idées-là. Les choses de la famille ce n’était pas ça…Je connaissais des camarades dans le quartier, alors j’y suis allé tout seul, à la section de Bab El Oued…C’est dans l’action avec les camarades que j’ai décidé d’entrer au PCA »

Acampora effectue son service militaire à Cherchell, ça l’aidera quand il a fallu qu’il prenne les armes pour libérer son pays. Quelques mois après novembre 54, au printemps 55, le PCA crée ses propres maquis et ses propres Combattants De la Liberation les CDL , tout en poursuivant ses démarches pour prendre contact avec la direction du FLN et sceller les accords FLN-PCA pour l’intégration des CDL au sein de l’ALN . Au sein des groupes de choc, Acompora participera à l’attaque du commissariat de la Redoute. Comme ouvrier tourneur expérimenté, il réparera les mitraillettes, rectifiera les culasses au sein des ateliers des pompiers. « Je rentrais une arme à la fois » dit-il

Sur dénonciation Georgeot est arrêté à la caserne, torturé, emprisonné à Serkaji, puis fut condamné à mort.

Ce n’est que début 1959, qu’il passera de Serkaji à El Harrach. Il venait de bénéficier d’une grâce et sa peine fut commuée en travaux forcés à perpétuité, avec 181 patriotes condamnés à mort. De ce passage à El Harrach il conservera une belle, de ses rares photos, avec un groupe de jeunes prisonniers. Il montre le jeune qui est au centre, « c’est notre muezzin » dit-il et c’est moi qui le réveillait chaque matin pour qu’il lance l’appel à la prière. C’est vrai qu’un condamné à mort apprend à ne pas s’endormir avant l’aube.

Mon idéal demeure

Le 11 mars 1991, après le séisme qui a secoué les partis communistes et les pays socialistes, le journal l’Humanité,organe central du Parti Communiste Français, publiait un entretien avec Georges Acampora.

« Le mouvement de libération national, déclare-il, a canalisé tous les patriotes sur l’objectif de l’indépendance de L’Algérie. Les communistes algériens ont participé à ce large mouvement de libération nationale. A cette époque la perspective socialiste donnait à notre combat un objectif à long terme. Nous avons partagé cet espoir avec des nationalistes issus du MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques).

Personnellement j’ai participé après l’indépendance aux brigades de travail volontaire pour la réforme agraire. Nous avons aidé les paysans à occuper les grandes propriétés laissées vacantes par le départ des colons. Nous avons participé bénévolement au reboisement des régions entières napalmées. Je me souviens du rassemblement de L’Arbaatach. Plus d’un million de personnes étaient là. La venue de Che Guevara à Alger avait enthousiasmé notre jeunesse. Aujourd’hui ces arbres atteignent une hauteur respectable. Le socialisme n’est peut-être plus à l’ordre du jour, mais je reste profondément attaché à mon idéal. Je continue à militer au Parti de l’Avant-Garde Socialiste (PAGS). J’espère que la façon dont s’est déroulé la Guerre du Golfe va faire tirer aux peuples de la région les enseignements nécessaires pour qu’une telle tragédie ne puisse se renouveler »

Si vous interrogez aujourd’hui Georgeot sur les mêmes sujets, il vous renouvèlera ses convictions politiques et idéologiques et vous redira : « mon idéal demeure ! »