Accueil > Hommages > Hommage aux amis et aux camarades disparus > Raymonde Peschard > 26 novembre 1957, Djebel Tafertas - Drâa Errih Raymonde Peschard

26 novembre 1957, Djebel Tafertas - Drâa Errih Raymonde Peschard

mercredi 26 novembre 2014, par Alger républicain

Il y a quarante-sept ans, le 26 novembre 1957, un groupe de l’ALN qui se dirigeait vers la Tunisie sur instruction du Colonel Amirouche, fut accroché par une unité de parachutistes de l’armée colonialiste française. Le groupe se bat pour échapper à l’encerclement, Raymonde Peschard (que les Moudjahidine nommaient Taous) et ses compagnons de lutte, l’aspirant Arezki, Redjouani, étudiant en mathématiques spéciales, le docteur Belhocine et le sergent Tahar qui font partie de ce groupe tombent au champ d’honneur.

Les autres membres, parmi lesquels le docteur Laliam, son épouse Nefissa Hammoud et Danielle Minne, sont faits prisonniers. Cette dernière est la fille de Jacqueline Guerroudj qui appartient elle aussi à un groupe armé activant dans la capitale et qui sera condamnée à mort après son arrestation au cours de la « Bataille d’Alger ».

Elle avait 30 ans

Au moment où elle tombe sous les balles de l’ennemi, Raymonde, est âgée de trente ans. Elle avait eu une vie militante active. Née a Saint-Eugène le 15 septembre 1927, elle est la fille d’un ouvrier cheminot connu des syndicalistes de Blida où il s’était installé et où il militait. Encore enfant, Raymonde fut recueillie après le décès de sa mère par son oncle Edouard et sa tante qui vivaient à Constantine. Tous deux étaient des militants du Parti communiste algérien. En 1940, son oncle fut arrêté par la police colonialiste et enfermé au camp de Djenen Bou-Rezg, en même temps que d’autres militants communistes et nationalistes. Il ne fait pas de doute que l’exemple de son oncle et de sa tante, auxquels elle vouait un grand amour, a eu une influence sur son évolution politique. En 1945, elle rejoint à Constantine, d’abord les rangs de la Jeunesse communiste d’Algérie (JCA), puis, un peu plus tard, quand la JCA se dissout, l’Union de la Jeunesse Démocratique Algérienne (UJDA) qui est créée à l’initiative de jeunes communistes et d’autres patriotes qui s’unissent pour combattre le colonialisme.

Raymonde sera à leurs côtés. Tout en militant, elle poursuit sa formation professionnelle et devient assistante sociale.

Elle sera employée au service des œuvres sociales de l’entreprise publique
« Electricité et gaz d’Algérie » (EGA) Elle adhère alors au Parti communiste
Algérien. Dés lors, elle militera à la fois dans ce Parti, dans son syndicat d’entreprise et également à l’Union des Femmes d’Algérie (UFA). Son activité militante parmi les travailleurs gaziers et électriciens et leurs épouses ou mères auxquelles elle rendait souvent visite en sa qualité d’assistante sociale était appréciée des communistes qui lui confièrent une responsabilité au sein de la direction régionale du PCA du Constantinois.

Elle était très aimée des travailleurs de l’usine à gaz de Constantine dont le plus grand nombre était d’origine arabo-berbère, comme on les nommait à l’époque pour les distinguer de ceux d’origine européenne. C’étaient les ouvriers les moins bien payés. Leurs conditions de travail étaient à l’époque les plus pénibles et les plus nuisibles pour leur santé car la matière première utilisée dans la production du gaz était le charbon. Raymonde, dont les sentiments humains, étaient très élevés, leur accordait ainsi qu’à leurs familles beaucoup de son temps pendant ses horaires de travail et en dehors.

Elle était d’une santé fragile. Son travail et son militantisme sont vraisemblablement à l’origine des soins médicaux qui lui seront prodigués en France, à la veille de l’insurrection nationale du 1er novembre 1954 pour la guérir d’une maladie pulmonaire. Rétablie après des soins intenses, elle revient à Constantine au début de 1955 pour apprendre qu’elle est interdite de séjour dans cette ville en raison de son appartenance au PCA, donc suspecté d’être un soutien potentiel des Moudjahidine.

Son entreprise, l’EGA la mute à Oran au service des Oeuvres sociales. Au début de 1956, elle se trouve à Alger où elle va militer clandestinement dans les rangs du PCA. Accusée en mars 1957 d’un attentat contre des civils européens qu’elle n’a pas commis, elle est recherchée par la police et désignée par les journaux ultra ou néocolonialistes, tels que « L’Echo d’Alger » et le « Journal d’Alger » comme la coupable.

Pourtant, le Parti communiste algérien, et ces journaux ne pouvaient l’ignorer, avait mis en garde contre tout recours à des actes qui pourraient nuire à sa cause pour s’opposer à la répression coloniale et au terrorisme des ultracolonialistes comme celui de la bombe qui avait été placée à la rue de Thèbes à Alger.

Mais cette presse veut à tout prix isoler le Parti communiste algérien des travailleurs conscients d’origine européenne qui n’approuvaient pas la guerre menée contre notre peuple ou sympathisaient avec son aspiration à l’indépendance. Elle veut aussi isoler le Front de libération nationale et l’ALN en les présentant à l’opinion internationale comme des mouvements animés de racisme à l’égard de la minorité européenne.

La présence de communistes algériens d’origine européenne dans le combat de libération sous toutes ses formes, y compris armé, met à mal les manœuvres destinées à tromper l’opinion internationale.

Au maquis Raymonde rencontre de grandes difficultés pour échapper à l’arrestation. Des progressistes européens qui l’hébergent sont arrêtés (consulter l’ouvrage « La Guerre d’Algérie » sous la direction d’Henri Alleg). Mais elle parvient à rejoindre les maquis de l’ALN en Kabylie. Sa résistance, aux côtés d’autres Moudjahidine, à l’encerclement de son groupe au nord de Medjana (non loin de Bordj-Bou-Arreridj) est son dernier combat.

Sa tante qui se trouvait encore à Constantine, à ce moment-là, déploya d’énormes efforts pour se rendre à Medjana, où elle récupéra son corps. Elle voulait ainsi rester fidèle au souhait de Raymonde de reposer, si elle venait à mourir, aux côtés de son oncle Edouard, enterré au cimetière européen de Constantine.

Aujourd’hui, la jeune génération de notre pays gagnerait à puiser des enseignements dans l’exemple donné de Raymonde et des autres martyrs de la guerre de libération pour servir les intérêts des travailleurs des villes et des campagnes, la cause de l’indépendance et de la souveraineté nationale, de la démocratie et du progrès social. Cet idéal n’est pas à renier. Il est le plus sûr pour l’avenir de notre pays et pour la paix entre les peuples du monde.

.

William Sportisse

Alger républicain

Du 16 au 30 novembre 2004