François Hollande : les tirailleurs sénégalais et le drapeau de la Liberté

mercredi 26 avril 2017
par  Alger républicain

« … la France est fière de vous accueillir [de vous accorder la nationalité française. NdlR] comme vous avez été fiers de porter son drapeau, celui de la liberté ». C’est en ces termes que François Hollande a conclu son discours lors de la cérémonie de naturalisation des tirailleurs sénégalais le 15 avril dernier.

Pour quels faits d’armes héroïques accomplis il y a plus de soixante ans les anciens tirailleurs encore en vie ont-ils « enfin » mérité cette suprême « reconnaissance » ? Ils ont combattu dans l’armée française en Indochine et en Algérie. Mais combattu qui, pour qui et pour quoi ? Ils ont participé à la répression de deux peuples réclamant leur liberté par les armes parce que le colonialisme ne leur avait pas laissé d’autre choix. Ils ont été utilisés pour préserver les intérêts des colons dont la prospérité était fondée sur une exploitation féroce des paysans dépossédés de leurs terres par la violence la plus extrême. Pour accroître les profits des sociétés métropolitaines enrichies par le pillage des richesses des colonies. La France du Capital, non celle des prolétaires, c’est cela la « France » dont les colonialistes invétérés de droite ou de la gauche sociale-démocrate continuent à vanter l’œuvre « civilisatrice ».

La petite phrase de Hollande est terriblement instructive pour ceux qui gobent encore les discours des politiciens impérialistes ou social-impérialistes sur les « printemps démocratiques » ! La liberté dont se gargarisent en France la droite et les socialistes à la manière du sinistre Guy Mollet est celle d’exploiter, d’opprimer, de torturer, de passer au napalm, de bombarder à coup de missiles les peuples au profit des capitalistes.

« Lapsus » idéologiquement révélateur de Hollande ? Certainement. Mais surtout expression d’un cynisme devenu une seconde nature chez les commis de la bourgeoisie. Une tendance intériorisée à travestir leur politique d’interventionnisme et d’asservissement des peuples par la force et la violence en acte d’expansion de la civilisation, de défense de la démocratie, des droits des peuples, des minorités, etc.

Terme générique désignant les Africains de couleur noire asservis par les colonialistes français, les « Sénégalais » avaient été enrégimentés de force, ou s’étaient trouvés contraints de s’enrôler dans l’armée de leur colonisateur pour échapper à la faim. Arrachés à leurs terres par les colons et réduits à une misère effroyable, les « tirailleurs sénégalais » ont dû gagner leur pitance en exécutant sans broncher l’ordre de massacrer d’autres peuples aussi cruellement opprimés qu’eux.

Durant notre guerre de libération, les colonialistes ont poussé nombre d’entre eux à commettre des atrocités innommables. Sous le drapeau de la Liberté. A la seule évocation du souvenir sinistre des « soldats sénégalais », de vieilles terreurs enfouies se réveillent encore en Algérie chez ceux qui ont vécu la guerre de libération. A Belcourt et à la Casbah, à Sétif et à Constantine, en tout autre lieu de l’Algérie, une terreur indicible envahissait les foyers lorsqu’en pleine nuit l’on entendait les bruits de bottes des Sénégalais marchant sous la conduite d’officiers blancs, détruisant, brisant, démembrant, défigurant, violant et tuant pour la belle cause de la Liberté répandue sous le drapeau de la France. Le colonialisme avait l’art de faire s’entretuer les peuples qu’il asservissait, jusqu’au jour où se produisit l’éveil des peuples. Des militants et des dirigeants tels que le Malien Modibo Keita, le Guinéen Sékou Touré, et biens d’autres anti-impérialistes africains avaient alors clamé « Assez ! » à la face des colonialistes, appelé leurs compatriotes à soutenir la cause du peuple algérien, à refuser de manier contre lui les armes mises dans leurs mains par le colonisateur commun.

Alors, peuples anciennement colonisés ou bienheureuses victimes des bombes démocratiques de l’OTAN destinées à vous « libérer » maintenant du despotisme de vos dirigeants, quand vous entendrez Hollande, Macron, Sarkozy, Fillon, Juppé, Hamon, Le Pen, Trump, Hillary Clinton, Merkel et tutti quanti, pérorer sur la Liberté et le devoir d’ingérence humanitaire, traduisez leurs discours hypocrites dans votre langue. Celle que vous aviez apprise lorsque vous versiez votre sang pour vous libérer de la cruauté coloniale.

Zoheir BESSA
25.04.17