Hommage à Hacène Benrahal

lundi 28 septembre 2009
par  Alger républicain

Hacène Benrahal est retourné à Constantine, sa ville, pour partir dans la discrétion et la dignité, comme il a toujours vécu. Il a vécu à Alger (à Alger républicain), El Harrach (en prison), à Dellys (avant que l’usine de chaussures de l’entreprise publique Emac ne soit sabotée par les terroristes islamiques) puis à Batna dans la même entreprise, enfin à Blida dans la ville de son épouse, avant de rejoindre sa ville de Constantine, il y a quelque semaine pour s’éteindre le 20 septembre, terrassé par des difficultés respiratoires.

Il était passé de la cigarette à sa fameuse pipe, sans arrêter de fumer, comme ont réussi à le faire bon nombre d’entre nous, ses camarades d’aventure !

En effet, il avait rejoint la grande aventure d’Alger républicain en 1963, avec l’autre constantinois Bouzid, accompagnés par William. Il devint journaliste comme nous tous, dans la grande école du journal avec des aînés chevronnés comme l’on n’en fait plus aujourd’hui Henri, Boualem, Hamid…Il s’intégra rapidement à la rubrique internationale avec un sérieux exemplaire. Pince sans rire et d’une grande camaraderie il se retrouva adopté rapidement dans notre groupe des nouveaux d’Alger rép, ceux qui avaient entre vingt et trente ans !

Il put ainsi passer rapidement de la rédaction des dépêches aux commentaires de l’actualité internationale avant d’aborder les reportages. Il se rendit au Soudan dirigé par Numeiri et obtint une magnifique interview de Madjoub, secrétaire générale du Parti communiste soudanais. On sentait déjà à l’époque que les étroitesses antidémocratiques et anticommunistes du pouvoir en place fragilisaient le pays pour en faire une proie facile pour l’émergence d’intégristes comme Tourabi ou dictateur comme El Bachir ... pour faciliter les ingérences impérialistes et amener le chaos et la famine dans un pays aux potentialités immenses, capable de nourrir toute l’Afrique !

La sortie de Hacène sur le terrain fut suivie par celle de Mouloud Djazouli dans les maquis d’Angola, les militants du MPLA poussaient le colonialisme portugais vers la mer. Mon propre départ vers les maquis vietnamien fut stoppé net par le coup d’état du 19 juin 1965.
Léquipe du journal refusa de se soumettre au dictat du nouveau pouvoir.
Comme de nombreux militants du Parti Communiste Algérien (PCA) Benrahal se retrouva, avec d’autres militants progressistes du FLN, arrêté et torturé en septembre 1965 avant de se retrouver à la prison d’El Harrach avec ses compagnons de résistance !

Une autre partie de l’équipe d’Alger rép fut contrainte honteusement à l’exil par les nouveaux maîtres de l’Algérie. Une autre partie de l’équipe fut contrainte à la clandestinité. J’en faisais partie et c’est pourquoi je ne revis pas Hacène pendant plus de vingt ans, ou pour être plus précis je le revis une fois quand après un rendez-vous clandestin nos routes se croisèrent. Nous ne nous parlâmes pas, mais je garderais toujours le souvenir du regard fraternel et solidaire que me lança en passant Hacène.
Je me suis posé la question comment a-t-il pu rester à Dellys livrée à la terreur des hordes islamistees. Du courage il en fallait pour vivre et travailler dans une ville pour un militant de progrès. Quand Mahfoud Saidi, responsable commercial de l’usine EMAC de Dellys fut traîtreusement assassiné, il ne put être enterré sur place ou à Jjijel la ville de ses parents. Il a fallu que ses camarades d’Alger organisent ses funérailles à Garidi !

C’est que Hacène a été à l’école de son père qui a légué, certes, à ses enfants une couleur qui n’a rien à envier aux plus belles dattes de Biskra. Mais le patriote, qui ne réclamera jamais la carte d’ancien moudjahed, l’homme de progrès, ancien syndicaliste cheminot de la CGT a formé ses enfants dans le sens de la lutte et la dignité, comme Bouba disparue prématurément ou Yasmina qui a consacré dans la clandestinité et l’anonymat 20 ans de sa vie à la confection de Saout ech-chab, organe central du PAGS historique !

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(24 septembre 2009)

A. Noureddine