Les printemps arabes ne sont-ils pas plutôt des automnes ou pire, des hivers ?

mercredi 20 janvier 2016
par  Alger républicain

Les médias étrangers, particulièrement français mais d’autres aussi, sous toutes formes, écrits, radio, télévisuels ou sur la toile, usent et abusent de l’expression « printemps arabes », certains n’hésitent pas à pousser le bouchon plus loin en qualifiant ces prétendus « printemps » de révolutions.

Si l’on raisonne avec naïveté ou on utilise ces mots avec complaisance sans connaître véritablement leur signification. Qu’est-ce qu’un printemps, la joie du retour des beaux jours après un hiver rigoureux ? La naissance d’une démocratie au jasmin après la dictature impitoyable de Ben Ali ? Les interprétations sont multiples mais rarement adéquates. En effet, une véritable révolution suppose l’abolition d’un système bourgeois et son remplacement par un pouvoir réellement populaire, le renversement d’un Etat au service d’un capitalisme, de la propriété privée des moyens de production qui deviennent alors propriété des travailleurs, c’est-à-dire de ceux qui produisent les richesses d’un pays.

Où a-t-on vu ces temps-ci dans les pays arabes et ailleurs du reste, à l’exception de quelques velléités pas réellement porteuses de changement radical, se produire un tel phénomène ? Où a-t-on vu un pouvoir s’appuyer sur les travailleurs après le renversement d’une dictature, certes pas en Tunisie et encore moins en Egypte.

Certains évoquent avec insistance la nouvelle démocratie instaurée en Tunisie, pire, d’autres ont la mauvaise foi de citer la Turquie d’Erdogan qui ferait des progrès en matière de démocratie. De quelle démocratie parle-t-on ? D’une démocratie de type populaire ? Que non. Simplement d’un type de démocratie bourgeoise, plus précisément d’un appareil au service du capitalisme local ou même étranger. Là et dans d’autres pays les différents clans de la bourgeoisie s’affrontent, parfois avec violence, pour avoir la meilleure part du gâteau. Dans notre pays les choses ne sont pas tellement dissemblables. Il arrive fréquemment que les contradictions éclatent au grand jour. Cela peut aller jusqu’à la suppression physique du camp adverse !

Partout au Moyen-Orient et au Maghreb, les bourgeoisies ont conservé les moyens de production et autres moyens de s’enrichir en ignorant les réels besoins des masses laborieuses. Quand elles le peuvent et elles le peuvent très souvent pour ne pas dire toujours puisqu’elles en ont le pouvoir, ces bourgeoisies se livrent à des spéculations sous mille et une formes, dans notre pays avec l’exportation de ses richesses naturelles ou l’importation de tout alors que l’essentiel n’est pas produit chez nous. Là est permise à grande échelle la corruption, une corruption sans limites par exemple en passant des marchés douteux avec les multinationales étrangères au prix de faire perdre à l’économie nationale ses ressources ou encore en surfacturant certaines opérations d’importance et en la privant d’investissements dans des projets de développement de l’industrie nationale, notamment publique.

Chez nous, où l’industrie nationale avait connu un démarrage assez impressionnant avec les devises que rapportait la nationalisation des hydrocarbures, un arrêt brusque a été imposé par la politique de Chadli Bendjedid et ses successeurs. Aucun n’a laissé de traces marquantes dans l’histoire de notre pays sauf celle de déconstruire ce qui avait été commencé sous l’égide de Houari Boumediene qui n’avait pas quand même fait tout faux d’autant que les travailleurs de notre pays, ils en avaient déployé des efforts pour la construire, l’Algérie. Adieu alors à notre industrie naissante, à tous les efforts pour moderniser notre économie et satisfaire les besoins des couches populaires et des travailleurs, adieu à la solidarité internationale exprimée jusque là par l’Algérie aux mouvements de libération nationale, depuis l’Afrique à l’Amérique Latine, et au Moyen-Orient, adieu au prestige et au rayonnement international de notre pays pour son rôle dans le camp des « non-alignés ».

Méfions nous des mots, ils sont quelquefois porteurs de poison pour démobiliser les luttes des travailleurs. Qui ne le constate ? Il n’y a pas plus de printemps au jasmin ni de révolutions que de brochettes et de petites fritures pour toutes les bourses à Bordj el kiffan ou ailleurs. Cela dit, les peuples et donc le nôtre, ne cessent pas leur combat pour des jours meilleurs qu’ils finiront par connaître.

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Malik Antar

16.01.16