Syrie : Offensive impérialiste tenue pour le moment en échec et nouvelle évolution intérieure à droite

dimanche 29 avril 2012
par  Alger républicain

Alger républicain - Spécial Syrie - Avril 2012

Alger républicain

LES OBJECTIFS DU PLAN ANNAN ET L’ACTION DES PUISSANCES IMPÉRIALISTES POUR LE PARTAGE DU MOYEN ORIENT

Le cessez-le-feu prévu dans le cadre du plan Annan est le nouveau piège mis en place pour tenter d’isoler le régime et faciliter, en prenant faussement à témoin l’opinion internationale, une intervention militaire étrangère. Les puissances à l’origine de ce plan cherchent par tous les moyens à contourner l’opposition de la Russie et de la Chine, échaudées par la tromperie libyenne, à toute utilisation de l’ONU pour légaliser les ingérences de ces pays dans la région.

La dernière décision du conseil de sécurité de dépêcher des observateurs « neutres »en Syrie pour vérifier le respect du cessez-le-feu, a été adoptée à l’unanimité, la Russie et la Chine n’ayant pas cette fois-ci fait usage de leur droit de véto. Mais ces deux pays ont obligé les USA, la Grande-Bretagne et la France à accepter que les prérogatives des observateurs soient limitées. Contrairement à ce que voulait Juppé, en particulier, les observateurs de l’ONU ne pourront pas aller et venir en Syrie ou nouer des contacts avec les insurgés comme bon leur semble et comme s’ils étaient en pays conquis, sans avoir à informer les autorités de leurs déplacements et de leurs intentions.

Mais le ministre des Affaires étrangères le plus agressif de la France impérialiste n’a pas l’intention de lâcher prise aussi facilement. Il ne veut pas que la bourgeoisie française soit prise de vitesse par les USA dans la course au contrôle absolu des routes du pétrole au Moyen Orient, à l’encerclement méthodique de la Russie et de la Chine. Ce qui compte pour lui c’est d’arriver, en usant de tous les stratagèmes, à faire admettre la nécessité d’une intervention militaire extérieure pour faire tomber le dernier régime arabe qui résiste opiniâtrement aux plans de repartage du Moyen Orient entre les puissances impérialistes.

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Diabolisation du régime syrien par l’axe Washington, Londres, Paris.

Les opérations tactiques des dirigeants de l’axe Washington, Londres, Paris, obéissent à une logique très simple. Il s’agit de faire feu de tout bois pour démontrer que le régime syrien « n’est digne d’aucune confiance ». Même si ce régime respectait scrupuleusement le cessez-le-feu, il faut être d’une grande naïveté pour croire que les insurgés en feraient de même de leur côté. Et de fait on observe une escalade dans les actions armées des groupes d’opposition islamistes convaincus que les morts et les blessés seront mis par les médias qui les soutiennent sur le compte du régime. L’astuce qui traverse tous les plans conçus jusqu’à présent, y compris le soi-disant plan de paix dont Kofi Annan est chargé, consiste à inciter les groupes armés de l’opposition à poursuivre leurs actions sous la protection médiatique de leurs commanditaires de l’axe, de manière à obliger l’armée syrienne à riposter.

Les médias et les« observateurs » sélectionnés par les services subversifs des pays de l’axe crieront systématiquement à la violation de ce cessez-le-feu par l’armée gouvernementale, quoi que fasse ou ne fasse pas le régime.

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Mêmes méthodes que celles utilisées contre l’ex Yougoslavie :

La ficelle des « observateurs » est très grosse mais elle a prouvé son efficacité sur d’autres espaces aussi stratégiques que le Moyen Orient. Dans l’ex-Yougoslavie, les observateurs désignés par l’OSCE étaient pour la plupart des agents de renseignements. Ils ont exécuté à la lettre les instructions de leurs commandements pour discréditer puis criminaliser le régime serbe. Épaulés par les médias de l’impérialisme, ils avaient réussi à faire passer les mafiosi de l’UCK pour des combattants d’une cause juste en lutte contre les « plans d’épuration ethniques » serbes.

On sait que le chef de la mission de l’OSCE au Kosovo, William Walker, celui qui a fabriqué le rapport sur le faux massacre de Racak, en janvier1999, rapport à l’origine de la justification des bombardements de la Serbie par l’OTAN, était un agent de la CIA. Il était chargé de coordonner en Amérique latine les opérations des escadrons de la mort formés aux USA. Il avait été démasqué pour son rôle dans l’assassinat de six prêtres progressistes au Salvador en1989 [1]. La décision des pays de l’axe de remplacer les dirigeants de la Syrie par des hommes dociles, des marionnettes, a été prise depuis longtemps de concert avec les régimes réactionnaires du Golfe.

Il faut être particulièrement naïf pour avaler les bobards selon lesquels en Syrie s’affrontent d’un côté des opposants démocrates, des gens par essence pacifiques mais poussés à bout par la répression et décidés à en finir avec la dictature du Baath sous contrôle d’une petite minorité de alaouites et, de l’autre, un régime cruel régnant depuis 40 ans par la terreur. En réalité les éléments moteurs et dirigeants de l’opposition appartiennent aux groupes des frères musulmans les plus réactionnaires de la région. Les Bourhane Ghalioune et autres« démocrates » de service, les pseudos gens de gauche ne sont que des faire-valoir placés sous le feu des projecteurs avec mission de convaincre l’opinion que le combat est celui de la démocratie et des droits de l’homme contre la tyrannie.

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Le Conseil national syrien, vitrine trompeuse des frères musulmans

Exactement comme le pacte de Sant‘Egidio devait servir en 1994 à blanchir les intégristes de leurs crimes et à dérouler sous leurs pieds le tapis menant au pouvoir en Algérie. Des« démocrates » à l’image de Aït Ahmed soutenu par l’Internationale Socialiste et une femme de la« gauche marxiste », Louisa Hanoune,servaient de couverture à l’action des islamistes. Le piège n’avait pas fonctionné parce qu’à l’époque les grandes puissances impérialistes étaient concentrées sur la liquidation de l’ancien système socialiste. Et les islamistes algériens, convaincus de l’inéluctabilité de leur victoire, ne cachaient pas leurs buts et revendiquaient ouvertement les attentats à la voiture piégée et les assassinats. Cela avait eu pour résultat de dévoiler aux gens honnêtes dans l’opinion internationale les véritables objectifs poursuivis par les courants rétrogrades.

En Syrie, les choses se déroulent sous un autre style. Les islamistes syriens, en particulier avec l’aide de l’imam charlatan El Qardaoui et de Qatar qui finance ses activités internationales, ont étudié « l’expérience algérienne » du FIS et les erreurs tactiques de ce parti ultra-réactionnaire. Son chef, Abassi Madani, est protégé par l’Emir du Qatar qui lui a accordé l’asile et une bonne pension. C’est à Qatar que tous les islamistes étudient l’expérience du FIS sous la direction d’Al Qardaoui, un des cerveaux et propagandistes de l’islamisme réactionnaire.

Sous couvert d’obligations « familiales », il faisait a un moment donné des voyages réguliers en Algérie où il s’était fait filmer par la télévision d’État en compagnie de Bouteflika lors de soins reçus à Aïn Naadja, dans le principal hôpital militaire algérien. Tirant profit de ces leçons, les islamistes syriens ont donc adopté une tactique qui consiste à dissimuler leurs objectifs. Hors de question de proclamer la démocratie« kofr » comme le faisait Ali Belhadj. Face à l’opinion internationale, ils se présentent comme des défenseurs de la démocratie et mènent leurs actions de propagande sous l’enseigne « d’irréprochables » organisations de défense des droits de l’homme ou à l’abri de fantomatiques« ONG », création artificielle des services de propagande et de subversion, tel le fameux Observatoire syrien des droits de l’Homme, tenu à Londres par un barman.

Ses « BRQ » [2] fallacieux sont promptement répercutés tels quels aux quatre coins du monde par les agences de presse,les organisations des Droits de l’Homme et l’ONU. Avec l’appui médiatique des puissances impérialistes, et surtout le concours des services subversifs des USA, ils ont déclenché une insurrection armée minutieusement préparée depuis des années. D’innombrables citoyens progressistes, travailleurs et intellectuels, des chrétiens et des alaouites, des gens qui refusent de soutenir les islamistes, femmes et enfants, ont été assassinés de façon sauvage, depuis le début de la rébellion armée, sans que jamais les médias des puissances hostiles à la Syrie n’en fassent état. Leur but est d’instaurer un État théocratique servant de couverture religieuse à un régime de capitalisme ultralibéral complètement soumis à l’impérialisme. Les pays impérialistes sont encouragés et encouragent à fond ces courants rétrogrades pour plusieurs raisons :

1- D’abord provoquer des conflits interconfessionnels de façon à conduire au morcèlement de la Syrie et donc à son affaiblissement, se débarrasser d’un régime qui refuse d’ajouter sa signature aux Accords du camp David, un régime qui soutient des courants de la résistance palestinienne et libanaise, établir la suprématie militaire totale d’Israël dans la région.

2- Ensuite contrôler une zone géographique jouxtant pratiquement l’Iran, prochaine cible d’une agression militaire des pays de l’axe, agression d’avance sanctifiée par la Ligue des monarques et valets arabes. Cette politique impérialiste de morcellement des pays qui échappent à leur contrôle total a été mise en pratique en Irak après son occupation par les troupes étasuniennes, puis en Libye. Elle l’est également au Mali. Le morcèlement des pays arabes a pour but de préparer l’accaparement direct des puits de pétrole et de gaz et le rétablissement de la toute-puissance des compagnies pétrolières dans cette région. Le tour de l’Arabie saoudite et du Qatar viendra inévitablement, malgré la vilénie de ses gouvernants, si la Syrie tombe dans le giron de l’impérialisme.

3- Enfin et surtout compléter par un nouveau maillon le cercle de feu entourant la Russie, seule puissance capable de tenir militairement tête aux USA, depuis les pays Baltes jusqu’au Pakistan en passant par la Turquie, une des pièces majeures de l’OTAN dans ce dispositif.

4- Campagne de tromperie de l’opinion internationale sur la situation en Syrie.La campagne de désinformation et d’intoxication orchestrée depuis plus d’un an, sans relâche par les médias aux ordres de la bourgeoisie impérialiste, a réussi à faire admettre dans une grande partie de l’opinion internationale que c’est tout le peuple syrien qui se révolte contre le régime.

Enivrés par leur succès en Libye où leur puissance de feu médiatique avait permis de légitimer les bombardements de l’OTAN et l’assassinat des dirigeants et cadres de ce pays, les pays impérialistes avaient pensé que la partie était gagnée d’avance aussi en Syrie. Rien, dans la tête de l’état-major général de l’impérialisme ne laissait planer le moindre doute sur la rapidité de la chute de la Syrie :

  • les positions violemment anti syriennes du régime réactionnaire turc, rêvant de restaurer dans le monde islamique le khalifat pour faire prospérer les affaires d’une bourgeoise en quête d’un vaste marché,
  • l’entrée massive à partir de ce pays de centaines d’islamistes libyens,
  • la mobilisation politique internationale des islamistes contre le régime syrien.
  • le rappel de centaines d’islamistes armés disséminés dans le monde- et la levée d’une armée islamiste mondiale secrète coordonnée par l’émir « Bander Bush » [3],
  • leur financement et leur armement par Qatar et l’Arabie saoudite,
  • l’intervention sur le sol turc de nombreux « conseillers »militaires français, anglais, américains,
  • l’entraînement d’unités combattantes aux USA bien avant le départ de la contestation etc.

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Ce calcul s’est avéré faux. Et cela pour au moins deux raisons

1- En premier lieu le niveau de conscience politique de la majeure partie du peuple syrien.

Les partis rassemblés dans le Front national progressiste syrien ont exercé depuis des dizaines d’années une influence bénéfique sur de larges secteurs de la population, en dépit de l’hégémonie du parti Baath. Ce ne sont pas des partis de « pacotille »comme les décrivent de prétendus « spécialistes » qui ne sont en réalité que les nouveaux chiens de garde dont la fonction est de faire la propagande en faveur de la guerre. Elle a compris très vite que l’impérialisme n’a pas pour but de l’aider à arracher plus de libertés démocratiques et de justice sociale mais en réalité ? remplacer le régime actuel par un régime islamiste rétrograde encore plus antidémocratique et totalement vassalisé. Il est naturel aussi que les minorités religieuses non musulmanes ne puissent se ranger du côté des groupes islamiques fanatiques.

L’invasion de l’Irak et de la Libye a instruit le peuple syrien.

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2- Deuxièmement, l’attitude de la Russie et de la Chine qui bloquent l’utilisation de l’ONU par les puissances de l’axe belliqueux.

D’où la rage des représentants de ces puissances qui ne laissent pas passer un jour sans échafauder de nouveaux stratagèmes pour s’octroyer le feu vert à l’action armée externe finale sans laquelle ils ne pourront jamais venir à bout de la résistance du peuple syrien à leurs projets.

POURQUOI LES PUISSANCES IMPÉRIALISTES ONT-ELLES LANCE EN 2011 L’EXÉCUTION DU PLAN DEMANTÈLEMENT DE LA SYRIE ?

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Fébrilité suite aux événements de Tunisie et d’Égypte

L’effervescence née du renversement de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Égypte a fait croire que le contexte de révolte dans les pays arabes était propice à cette action. Mais c’est le degré de mécontentement interne qui a le plus pesé dans le « ok » à l’insurrection armée des islamistes wahhabites réactionnaires et à son appui. Ce mécontentement est né des conséquences sociales du tournant opéré au début des années 2000 vers les recettes ultralibérales du capitalisme, chômage grandissant et paupérisation, corruption générée par la course à l’accaparement des meilleurs morceaux des secteurs privatisés. Ce tournant a marqué la rupture avec les orientations économiques et sociales progressistes des années 1960-1970.

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Effritement du consensus national démocratique réalisé dans les années 1970 en Syrie

Le consensus national-démocratique qui s’était réalisé au début des années 1970 s’est donc effrité. La bourgeoisie syrienne n’en veut plus, du moins de son contenu. Ce consensus regroupait un large spectre de forces sociales sur les questions de l’union face au danger impérialo-sioniste, occupation du Golan et agressivité permanente d’Israël pour obtenir la capitulation de la Syrie - et de l’édification d’une économie indépendante bénéficiant aux travailleurs et soutenue par le camp socialiste. Il a rassemblé les forces populaires, classe ouvrière, paysannerie, petite bourgeoisie et certaines franges de la bourgeoisie. L’hégémonie du parti Baath, le plus influent, a été temporairement acceptée comme élément d’un compromis nécessaire pour réaliser ces deux tâches.

Ce compromis original dans les pays arabes dirigés par des régimes opposés à la mainmise impérialiste a permis à tout un arc de courants politiques hors du Baath de maintenir leur existence organique, idéologique et politique dans une relative indépendance. Le terme de« dictature » utilisé à la légère ne reflète pas cette réalité particulière. Les courants rétrogrades ont été réprimés à juste raison notamment quand il sont eu recours au massacre de cadres et de personnalités anti impérialistes et laïques comme cela s’était produit lors des attaques armées des intégristes à Hama en 1982.

Signalons que les chiffres lancés ces derniers mois au sujet du nombre d’intégristes tués par l’armée syrienne lors de l’écrasement de cette insurrection sont fantaisistes. Ils sont grossis à souhait pour diaboliser à outrance le régime. Mais la révolution nationale-démocratique devait à un moment donné s’achever avec l’accomplissement de ses principaux objectifs. La Syrie a en effet connu malgré l’effort de guerre, un développement économique incontestable. Elle est peu endettée et dispose de ressources en devises appréciables. Une base industrielle s’est constituée. Le pays est auto-suffisant sur le plan alimentaire grâce à une réforme agraire profonde qui n’a pas été interrompue comme dans d’autres pays arabes, Égypte et Algérie, par exemple.

L’achèvement de cette révolution pose la question de savoir quelle classe va supplanter la petite bourgeoisie et les couches moyennes dans le contrôle de l’État, quelle classe va s’avérer capable d’exercer le rôle de classe dominante : classe ouvrière et ses alliés ou bourgeoisie faisant basculer de son côté d’importantes catégories dans les couches moyennes et cherchant inévitablement l’appui de l’impérialisme pour consolider son emprise ? Le développement économique a favorisé la formation à la fois d’une classe ouvrière et d’une bourgeoisie. Celle-ci s’est constituée :

par le bas -développement des rapports marchands capitalistes et exploitation de la classe ouvrière -

et par le haut avec l’établissement de rapports « crapuleux » étroits entre des secteurs des appareils d’État civils et militaires et le capital privé en expansion.

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Désastres économiques de la politique ultralibérale mise en œuvre par le régime.

Le régime syrien est le théâtre depuis de nombreuses années de contradictions internes. La bourgeoisie tend à devenir la force dirigeante principale. Ses représentants dans l’État ont appliqué depuis une dizaine d’années les recettes économiques et sociales ultralibérales qui ont conduit aux mêmes désastres économiques et sociaux connus : privatisations, fermeture d’usines, suppression des subventions, y compris celles qui soutenaient le prix des engrais et des carburants pour l’agriculture. La corruption s’est étendue parallèlement à l’extension de la misère et à la création d’un immense fossé entre la minorité enrichie et la masse du peuple.

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Utilisation de l’islam parla réaction et resserrement des liens du régime avec les puissances européennes

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Les éléments réactionnaires qui utilisent l’Islam pour cacher leurs véritables objectifs de classe ont exploité le mécontentement populaire. Les stigmates de la libéralisation ont élargi leur base de manœuvre. Elles ont poussé des secteurs non négligeables de la population dans les bras de la réaction. Ce nouveau cours a donc rompu le consensus des années 1970. Le régime s’est employé à resserrer ses liens avec les puissances européennes à la fois pour contre balancer les pressions américaines et pour renforcer ses positions face au mécontentement interne et à la remise en cause grandissante de l’hégémonie du Baath. Pures illusions !

Les États européens sont d’abord les États de puissances impérialistes, des instruments de domination du grand capital dans le monde. Ils ne se contentent pas de concessions. Ils encouragent toute mesure renforçant le capitalisme mais ils ne veulent pas d’un régime capitaliste qui manifeste une volonté d’indépendance même limitée ou formelle.

PLANS D’INVASION DE LA SYRIE

La crise du capitalisme, exacerbée par les appétits des nouveaux venus des « BRIC’S », pousse les vieilles puissances impérialistes à étouffer les velléités d’indépendance de décision de toute autre nation même capitaliste. Bachar el Assad a été invité aux festivités du 14 juillet mais Sarkozy croyait à tort pouvoir faire de lui un vassal docile lui obéissant au doigt et à l’oeil. Tant que l’impérialisme n’a pas obtenu satisfaction sur ce plan, il ne renoncera pas à préparer l’invasion de la Syrie, à moins d’une grande mobilisation anti-impérialiste internationale qui réussisse à isoler et paralyser les fauteurs de guerre. Les franges wahhabites de la bourgeoisie syrienne, les résidus de la féodalité et de la bourgeoisie agraire, les éléments compradores, se considèrent comme les meilleurs garants de cet ordre capitaliste.

Face au mécontentement provoqué par le tournant vers le capitalisme en Syrie et au danger d’un mouvement populaire de redressement de gauche, ces fractions les plus rétrogrades de la bourgeoisie pratiquent à merveille le jeu classique de la duplicité résumée dans cette maxime favorite du mouvement islamiste « elharb khidaa » (la guerre est ruse). Elles se font en paroles les avocats des petites gens victimes du libéralisme. En même temps elles se présentent comme les seules forces capables de mettre au pas les travailleurs et les couches populaires réfractaires aux nouveau cours politico-économique ouvertement capitaliste, mais baptisé pudiquement « économie sociale de marché ». Leur solution magique ? L’utilisation de l’Islam comme paravent idéologique pour parvenir au pouvoir et écraser ensuite au nom du sacrifice nécessaire au triomphe des « idéaux islamiques » - soi-disant au-dessus des classes - toute velléité anti capitaliste chez le peuple, ce que le régime actuel originellement laïque serait incapable de faire. De ce point de vue, les puissances de l’axe belliqueux interventionniste accordent leur préférence aux courants islamistes pour leur aptitude supposée à berner le peuple à coup de slogans religieux et leur disponibilité à appliquer servilement leurs injonctions.

Le peuple dans sa grande majorité et le régime résistent à cette guerre. Ils résistent aux conséquences criminelles des sanctions économiques, au terrorisme qui fauche tous les jours des travailleurs, des syndicalistes, des intellectuels de progrès, des cadres de l’armée et de l’État. L’imam de Damas, a été tué devant la porte de son domicile parce qu’il avait lancé un vibrant appel à la condamnation de l’intolérance religieuse et des crimes commis au nom de l’Islam.

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Évolution du régime à droite sous les pressions internes et externes

Mais l’insurrection intégriste, les pressions conjuguées des États islamistes réactionnaires et des États impérialistes ont déjà eu pour premiers résultats une évolution nettement marquée à droite du régime. La révision constitutionnelle a expurgé de l’ancienne Constitution toute référence au socialisme, à la lutte contre l’exploitation, à la planification, au rôle de l’État dans le respect des droits sociaux des travailleurs. La gratuité de l’enseignement universitaire n’est plus garantie de façon claire comme dans l’ancienne Constitution. La prééminence du secteur public et son rôle dans le développement économique et social est abandonnée. Dans la nouvelle formulation ambiguë à dessein, le secteur public est maintenant placé sur le même plan que le secteur privé, lequel est désormais libéré de toute obligation de mettre ses activités en conformité avec l’intérêt général. Même si cette obligation était formelle, les motivations du secteur capitaliste sont toujours le profit et non l’intérêt général, l’abandon de cette clause constitutionnelle le délivre de toute entrave juridique. Les adversaires du capitalisme ne pourront plus prendre appui sur la Constitution pour limiter le développement du capitalisme en Syrie. Les revendications des partisans déclarés du capitalisme, qu’ils se trouvent dans le régime ou dans l’opposition« pacifique » ou armée, qu’ils soient religieux ou laïcs, sont désormais inscrites dans la nouvelle Constitution. Stimulée par cette révision, la droite du régime refuse de retirer ses projets de privatisation des secteurs de l’électricité et des télé-communications, un moment gelés. L’article 8 qui faisait du Baath le parti dirigeant de l’État et de la société a certes été abrogé. La liberté de créer un parti politique est reconnue mais elle est assortie d’une condition qui interdit sa formation sur une base de classe ! Il s’agit-là d’une dangereuse restriction réactionnaire que les ennemis de la classe ouvrière et les anticommunistes ne manqueront pas d’exploiter le moment venu.

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La laïcité menacée

L’affiliation du chef de l’État à l’Islam est reformulée dans un sens qui remet en cause la laïcité. Ce dernier point est l’indice qu’une fraction du régime compte par ce biais obtenir la neutralité bienveillante des tenants d’une conception archaïque de l’Islam. L’expérience algérienne a montré combien ce genre de concessions ne conduit qu’à encourager la propagation d’idéologies moyenâgeuses. Va-t-on en Syrie vers un processus d’« islamisation » rampant du régime ?

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Mise à l’écart des partis progressistes dans la révision de la Constitution

Les partis du Front national progressiste ont été tenus à l’écart de la révision de la Constitution. Est-ce parce que le chef de l’État, qui semble incarner le courant centriste du régime, pour qui la priorité est de mettre en échec les plans de désintégration de la nation syrienne, a voulu éviter des affrontements entre les ailes opposées de ce régime qu’une large consultation aurait aiguisés ?

Ce genre de calculs tactiques ne mène qu’au pire.

CONCLUSION : Le Printemps arabe c’est une contre révolution sous l’étendard de l’islam et du néo colonialisme.

Il ressort de tout cela que les représentants de la bourgeoisie cherchent à se débarrasser des anciennes formes consensuelles d’exercice du pouvoir. Ils manœuvrent dans les coulisses du régime pour remplacer celles qui servaient les intérêts de cette vaste alliance de classes par de nouvelles formes de gouvernement dont le contenu est d’imposer la domination sans partage de cette classe. Ils s’orientent vers des mécanismes institutionnels de type présidentiels qui garantiraient aux courants politiques bourgeois de plus en plus dominants dans les sphères de l’État une marge d’action totalement affranchie de tout contrôle populaire sérieux, combinée aux restrictions « légales » à l’activité des partis politiques révolutionnaires de classe. C’est la résultante juridique qui se dégage des principaux amendements politiques de la Constitution. Il est cependant évident que la lutte autour des orientations politiques,économiques et sociales n’est pas terminée. Ces choix ne peuvent être considérés comme définitivement tranchés.

La lutte réelle et résolue contre les ingérences impérialistes et la réaction a ses exigences. Il est illusoire de penser que l’armée syrienne peut seule, sans une grande mobilisation des masses, politique et militaire, mettre en échec les plans des interventionnistes. Les buts stratégiques de l’intervention de l’armée vont refléter les intérêts des classes en lutte. Le contenu de ces choix va dépendre de l’engagement des masses dans ce combat, du rôle indépendant que les partis progressistes sont appelés à jouer dans la direction de cet engagement, de leur capacité ou non à assurer cette direction politique.

Il est erroné d’écarter la probabilité d’une trahison des franges de la bourgeoisie et des couches moyennes au pouvoir ou la recherche d’un compromis avec l’impérialisme. Ce compromis sera dans tous les cas conclu sur le dos des classes laborieuses. Ce serait une autre erreur de croire que les divergences entre les puissances de l’axe, d’un côté, la Russie et la Chine, de l’autre, sont une protection suffisante et sûre pour le peuple syrien. Les activités diplomatiques de l’impérialisme russe - la Russie n’étant pas l’URSS, mais une puissance devenue impérialiste du fait de sa structure économique capitaliste et de la domination économique et politique de la bourgeoisie oligarchique - sont d’ailleurs axées sur la recherche d’un compromis avec les forces de l’opposition. Le but de la Russie n’est pas d’empêcher pour le moment l’accroissement de l’influence des puissances de l’axe sur la Syrie - en a-t-elle les moyens ? - mais de dissocier certains courants de l’opposition de la tutelle de l’axe, de mettre en échec leur plan militaro-stratégique qui vise à ajouter un nouveau maillon dans la chaîne de son encerclement.

La contre-révolution, parce qu’il s’agit bien d’une contre-révolution et non d’une révolution populaire, d’un hiver et non d’un printemps arabe, cette contre-révolution est le fer de lance, sous l’étendard de l’Islam, de ce processus défavorable aux intérêts des travailleurs et des couches laborieuses du peuple. Les forces de progrès syriennes ne sont pas dans une situation simple. Il y a nécessité de l’union de toutes les forces patriotiques et antiimpérialistes en Syrie pour affronter le danger interventioniste. Leurs décisions ne sont pas faciles. Le danger le plus grand, le plus immédiat, est l’instauration d’un régime théocratique, porté par une intervention extérieure, et la « néo-colonisation ».

Ce régime fera table rase de toutes les libertés démocratiques, de tous les acquis sociaux, de toute indépendance. Il écrasera sans pitié les forces de progrès.

Comme l’Irak occupé par les USA et livrée aux forces de la réaction ou la Libye, la Syrie sera ramenée à l’âge de la pierre. Il n’y a pas grand choix : ou bien l’union des forces patriotiques et anti-impérialistes, des forces de progrès pour écraser les forces de la réaction soutenues par les interventionnistes ou bien ce sont elles qui seront impitoyablement écrasées. La question qui s’impose à elles est de savoir si elles peuvent encore compter sur une alliance avec les tendances anticapitalistes subsistant dans le régime, bien que celles-ci semblent diminuées par un rapport des forces défavorable, pour briser et éloigner le grand danger immédiat représenté par la coalition des forces impérialistes interventionnistes, des forces ultra réactionnaires internes camouflés sous le drapeau de l’Islam, des régimes théocratiques du Golf, des régimes fantoches arabes, Maroc, Libye, etc.

Il est surtout impossible de briser les plans de cette vaste coalition mondiale ultra réactionnaire :

  • sans construire sur de nouvelles bases les alliances internes,sur la base d’une plate-forme résolument tournée vers la satisfaction des revendications sociales et politiques démocratiques fondamentales des travailleurs et des masses populaires,
  • sans rompre avec le nouveau cours économique et social imposé par les forces de droite syriennes,
  • sans efforts politiques intenses pour gagner les catégories du peuple trompées par les islamistes,
  • sans le soutien international des forces anti-impérialistes, des forces démocratiques, des forces qui rejettent les ingérences, sous quelque prétexte que ce soit, des forces qui refusent l’instauration de régimes théocratiques.

Telles sont maintenant les exigences posées par la lutte contre l’impérialisme et ses alliés intérieurs.

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Mobilisation et solidarité internationales pour faire échouer les plans des puissances de l’axe impérialiste interventionniste.

Si l’impérialisme et l’obscurantisme venaient à triompher en Syrie, il en résulterait de graves répercussions sur la paix, la démocratie et le progrès dans le monde, de grands malheurs dans les pays arabes et en Algérie même. Le triomphe de la réaction sonnera le rassemblement des forces de l’obscurantisme dans une nouvelle offensive pour l’instauration d’un État théocratique en Algérie, aux conséquences probables encore plus tragiques que durant la décennie « rouge », rouge des fleuves de sang que le terrorisme islamiste et ses complices à divers niveaux avaient fait couler.

Les progressistes, les antiimpérialistes, les démocrates authentiques de notre pays ont le devoir de combattre les ingérences impérialistes et de leurs valets arabes en Syrie, de dévoiler la nature et les objectifs véritables de l’insurrection armée des réactionnaires syriens qui instrumentalisent l’Islam. Ils ne peuvent se taire devant le déversement de la propagande pro-impérialiste, ou tolérer sans réagir l’étalage de sympathies pour les mouvements ultra réactionnaires syriens soi-disant d’opposition, à travers de nombreux journaux privés à grand tirage, propagande relayée souvent aussi par les médias publics, la radio, la télévision et le journal gouvernemental « El Moudjahid ».

Les tergiversations du régime algérien apeuré par les pressions impérialistes et ligoté par ses alliances gouvernementales avec les partis qui utilisent l’Islam sont scandaleuses. Dans cette bataille dont les enjeux régionaux et internationaux sont de plus en plus clairs, le devoir des progressistes, des anti-impérialistes et les démocrates algériens est de se dresser contre le camp des interventionnistes impérialistes, des régimes monarchiques et théocratiques, de la réaction. Leur devoir est de manifester leur soutien aux patriotes syriens qui luttent pour une alternative de progrès et combattent courageusement la réaction et les ingérences impérialistes.

Zoheir Bessa

15.04.2012


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[1Lire «  MONOPOLY, L’OTAN à la conquête du monde  » de Michel Collon, Editions EPO, 2000, pages18 à 25. Un combat avait opposé l’armée yougoslave aux miliciens kosovars armés de l’UCK en janvier 1999 près du village de Racak. 45 de ces miliciens furent abattus. L’UCK et William Walkers les présentèrent comme des civils désarmés. les médias relayèrent massivement cette version mensongère.

[2BRQ : Bulletins de renseignements quotidiens que rédigent les agents des services de renseignements.